Troubles de la mémoire : les neurones nouvellement formés seraient-ils impliqués ?

Mise à jour de la page : le 31/08/2021

Porteur du projet : ABROUS Nora – Neurocentre Magendie, Bordeaux

Titre du projet : « La néo-neurogenèse hippocampique : une nouvelle stratégie pour réparer le cerveau vieillissant. »

Subvention attribuée par la FRC en 2018 : 50 000 

Travaux réalisés à l’aide d’une subvention du Fonds de dotation AFER pour la recherche médicale

Description du projet

Au cours du vieillissement, les capacités cognitives telles que la mémoire, peuvent être altérées. Les troubles mnésiques* liés à l’âge affectent une part importante de la population mais ils évoluent à des vitesses et degrés différents en fonction des individus. Une des hypothèses serait qu’un vieillissement réussi se différencierait d’un vieillissement pathologique en fonction des capacités de plasticité cérébrale des individus. Ainsi, la production de nouveaux neurones (appelée néo-neurogénèse et qui a principalement lieu au niveau de l’hippocampe) semble être une cible d’intérêt majeure. Cependant, des analyses sont nécessaires pour clarifier les mécanismes impliqués.

Dans ce but, l’équipe de Nora Abrous a précédemment montré, chez le rongeur, que la qualité de la mémoire est différente entre les individus en fonction de leur capacité à produire des nouveaux neurones. En effet, la production de nouveaux neurones est plus importante chez les rats vieillissants dont la mémoire est préservée que chez les rats au même stade de vie mais présentant des troubles de la mémoire.

Suite à ces résultats, cette équipe de recherche a pour nouvel objectif d’étudier le rôle de la néo-neurogénèse dans l’apparition des troubles mnésiques au cours du vieillissement. Les chercheurs proposent l’hypothèse que chez certains individus, les prolongements arrivant sur les nouveaux neurones (et apportant ainsi de l’information au neurone) dégénèrent au cours du vieillissement chez les rats ayant des troubles mnésiques tandis qu’ils sont préservés chez les rats ayant une bonne mémoire. Cette dégénérescence induirait donc une diminution de l’information arrivant à ces nouveaux neurones et perturberait ainsi le traitement des signaux provenant de l’environnement, ce qui est nécessaire à l’apprentissage et à la mémoire. Afin d’étudier cette hypothèse, les chercheurs analyseront tout d’abord les capacités fonctionnelles de connexions des néo-neurones. Ils utiliseront ensuite la technique d’optogénétique (voir colonne de droite) afin de voir si en augmentant l’activité de ces néo-neurones il est possible d’annuler les déficits de mémoire.

En conclusion, ce projet permettra d’exploiter la capacité du cerveau adulte à produire de nouveaux neurones pour réparer le cerveau âgé et rétablir la fonction mnésique.

*troubles mnésiques : troubles liés à la mémoire

 

Les avancées du projet

La première partie du projet visait à analyser les capacités fonctionnelles de la connectivité des néo-neurones chez des rats ayant ou non des déficits de mémoire. Les chercheurs ont collecté des résultats sur une cohorte d’animaux âgés de 9 mois (ce qui correspond au milieu de leur vie) au moment de l’apprentissage. Ils ont étudié la morphologie des prolongements (connexions) des néo-neurones grâce à l’expression de protéines fluorescentes, et ont montré que l’apprentissage augmente la longueur de ces prolongements (voir image ci-dessous), ce qui indique que les néo-neurones maintiennent des capacités de plasticité longtemps après leur naissance.

L’équipe a ensuite étudié les possibles altérations métaboliques pouvant expliquer le manque de réactivité des néo-neurones chez les individus vulnérables (ayant des déficits de mémoire au cours du vieillissement). Leurs observations montrent que la densité des mitochondries est réduite tandis que leur taille est augmentée dans les néo-neurones d’animaux vulnérables. De plus ces observations sont restreintes à une région particulière qui reçoit des informations de l’hippocampe mais aussi des informations du septum que l’on sait impliquer dans l’apparition de déficits liés à l’âge. Ces résultats suggèrent des dysfonctionnements précoces dans la dynamique mitochondriale des néo-neurones, altérations pouvant être à l’origine de la dégénérescence de certains prolongements.

« Figure représentant des néo-neurones dans le cerveau d’animaux en milieu de vie. Les neurones sont encore plastiques car malléables par l’apprentissage au milieu de la vie. Une altération de la dynamique mitochondriale pourrait être un marqueur précoce d’un dysfonctionnement des néo-neurones chez des individus vulnérables face au vieillissement cognitif ».

 

La seconde partie du projet visait à déterminer si les troubles de la mémoire liés à l’âge sont annulés en augmentant, lors de l’apprentissage, l’activité des néo-neurones par optogénétique. Pour cela, les chercheurs ont utilisé des rétrovirus exprimant une protéine sensible à la lumière qui ont été injectés chez des animaux âgés de 3 mois. Ces derniers sont en cours de vieillissement pour effectuer les expérimentations, mais la technique d’optogénétique utilisée a pu être validée en parallèle. L’équipe a ainsi démontré que l’inhibition des nouveaux neurones matures formés entraîne des déficits d’apprentissage. Ils regarderont ensuite si au contraire l’augmentation de leur activité durant l’apprentissage permet d’annuler ces déficits de mémoire.

 

Les publications et communications 

Une publication dans un journal scientifique a déjà eu lieu sur une partie du projet visant à valider l’utilisation de la technique d’optogénétique chez l’animal :

  • Masachs N*, Charrier V*, et al. The temporal origin of dentate granule neurons dictates their role in spatial memory. In positive revision in Molecular Psychiatry.

En parallèle, ce projet a donné lieu à plusieurs communications à des congrès internationaux, notamment à Eurogenesis en 2019 et à NeuroFrance en 2021.

 

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Crédit photo : © Inserm/Chazal, Geneviève « Neurones et cellules gliales prélevés chez l’adulte dans la zone ventriculaire de la neurogenèse »

 


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Qu’est-ce que l’optogénétique ?

L’optogénétique correspond à un nouveau domaine de recherche et d’application, associant l’optique à la génétique. Cette technique consiste à modifier génétiquement des neurones afin qu’ils deviennent sensibles à la lumière grâce à l’expression d’une protéine : l’opsine. L’activation des neurones est transitoire et n’a lieu que lorsque l’expérimentateur allume la lumière. Elle permet de stimuler spécifiquement un type de cellules en laissant les cellules voisines intactes. L’optogénétique permet aujourd’hui d’observer et de contrôler en temps réel l’activité de populations neuronales spécifiques dans de nombreux modèles animaux.

Projet financé grâce au Fonds de dotation AFER

Le Fonds de Dotation de l’AFER pour la Recherche Médicale a pour objet de financer directement ou à travers des organismes à but non lucratif des actions d’intérêt général dans le monde et en particulier en France en faveur de l’allongement de la durée et de la qualité de vie humaine.

Le projet de Nora Abrous, portant sur la plasticité cérébrale et sur les capacités de mémoire du cerveau répond donc aux critères de sélection du financement du Fonds de Dotation AFER.

Portrait de la chercheuse

Depuis longtemps, Nora Abrous se passionne pour la capacité de plasticité du cerveau, entre autres pour une nouvelle forme de plasticité cérébrale, la néo-neurogénèse. Ses travaux dans ce domaine lui ont permis d’accéder au grade de Directrice de recherche (DR1). Elle anime actuellement une équipe au sein du Neurocentre Magendie à Bordeaux (UMR-Inserm1215).

Témoignage de Nora Abrous

« L’idée même que le cerveau soit en perpétuelle construction m’a toujours passionnée. De ce fait, l’étude des capacités de plasticité du système nerveux central (SNC) n’a cessé d’animer ma carrière. Ces dernières années, je me suis intéressée au rôle d’une nouvelle forme de plasticité cérébrale –la production de nouveaux neurones dans le cerveau adulte (ou néo-neurogénèse) – dans les réponses comportementales adaptées aux variations continues de leur environnement. Dans ce contexte, les études sur le vieillissement cognitif se sont imposées d’autant que nous avons découvert que même âgé le cerveau est doué de plasticité. Cependant, lorsque chez certains sujets ces processus de plasticité sont défaillants, les déficits apparaissent. Aussi, réparer le cerveau âgé chez ces sujets en ciblant les nouveaux neurones apparaît comme une stratégie originale et prometteuse. 

La FRC en choisissant notre projet, nous offre la possibilité de poursuivre ce travail de longue haleine. »

Le centre de recherche

Ce projet est issu d’une équipe du Neuro Centre Magendie.

> En savoir plus sur le centre

"Plasticité et réparation : réparer le cerveau et/ou la moelle épinière"

> Voir tous les projets financés par a FRC en 2018 sur ce thème 

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