Etat des lieux de la recherche sur le cerveau

Le 21ème siècle qui commence sera celui du cerveau. Les progrès de la recherche sont récents, prodigieux et cumulatifs. Les promesses sont vertigineuses et le meilleur est à venir.

 

Zooms sur les principales avancées

Voir le cerveau penser : Il est devenu normal de « passer un scanner ». Mais le principe de ces instruments n’est connu que depuis les années 1970. Les premières images du cerveau vivant ne datent que de la fin du XXème siècle. C’est la conjonction des recherches en biologie, physique, chimie, mathématique, basée sur les performances exponentielles de l’informatique, qui ont permis à des appareils comme l’imagerie par résonance magnétique (IRM) de devenir d’usage courant.

 

Imagerie : C’était inimaginable il y a vingt ans. Les scientifiques peuvent corréler l’activation de certaines zones du cerveau à des états de conscience. Les techniques permettent d’identifier les changements de l’activité cérébrale qui surviennent lors de la schizophrénie et d’autres troubles neuropsychiatriques. L’IRM offre des images en trois dimensions, non invasives, qui donnent la possibilité d’examiner des lésions, des tumeurs ou de détecter les dommages précoces causés par un AVC, ce qui permet aux médecins d’administrer rapidement les traitements appropriés. Il s’agit de mieux voir pour mieux soigner.

Ce n’est pas fini. Ces nouvelles technologies vont toujours plus loin vers l’infiniment petit. Par exemple la nanoscopie permet de visualiser des molécules de taille inférieure à 200 millionièmes de millimètre, à l’intérieur d’une cellule vivante. Tout ceci est essentiel au développement des autres voies de recherche.

Génétique : Le séquençage du génome humain ne date que de 2001. Depuis, des gènes pathologiques ont été identifiés pour les épilepsies, les maladies d’Alzheimer, de Parkinson, de Huntington et la sclérose latérale amyotrophique. Ces découvertes donnent de nouvelles clés aux neurobiologistes pour comprendre les mécanismes de ces maladies et suggérer de nouveaux traitements. On s’oriente vers une médecine mieux ciblée, voire prédictive ou préventive, et la thérapie génique suscite de nombreux espoirs.

Plasticité cérébrale : Le cerveau possède la capacité de modifier ses connexions pour faire face à de nouvelles situations. Les scientifiques explorent activement ce processus nommé plasticité. Il révèle comment l’apprentissage et la mémoire surviennent, et comment leur déclin peut être stoppé. Les chercheurs ont découvert que le cerveau adulte génère en permanence de nouvelles cellules nerveuses. Ce processus de neurogenèse est très actif dans l’hippocampe. Il est essentiel de le comprendre pour le favoriser.

Développement cérébral : Une meilleure connaissance globale des fonctions cérébrales et la découverte récente de molécules qui déterminent le développement du système nerveux permettent aux scientifiques de mieux comprendre des troubles qui surviennent dès l’enfance, telle que l’infirmité motrice cérébrale. Avec l’identification des cellules souches, ces avancées débouchent sur la mise au point de nouvelles stratégies pour restaurer des fonctions du cerveau ou de la moelle épinière altérées par une lésion ou un défaut de développement embryonnaire.

Vie et mort du neurone : D’une part on sait mieux comment et pourquoi les neurones meurent. D’autre part on a découvert dans notre cerveau des cellules souches neurales qui se divisent et forment de nouveaux neurones. Ces deux avancées majeures en neurosciences auront de nombreuses applications cliniques. On peut contrer les dommages de notre système nerveux. Des traitements utilisant ces principes sont en cours d’évaluation pour les AVC et les lésions de la moelle épinière.

La convergence : La convergence de ces travaux pluridisciplinaires fait émerger des thérapies spectaculaires : stimulation cérébrale profonde, greffes de neurones ou de rétine, prothèses sensibles « pilotées par la pensée ». Les défis de l’avenir immédiat sont nombreux. On se dirige vers des techniques de remplacement de fonctions nerveuses absentes ou abîmées, vers la « réparation » de notre cerveau, vers le ralentissement de son vieillissement, tandis que l’efficacité des traitements et médicaments doit avancer plus vite.

 

Sur quoi s’appuient ces progrès ?

Le tournant de ce siècle a vu, pour la première fois, la biologie disposer des concepts, des outils et des instruments nécessaires pour observer le vivant en cours de fonctionnement grâce à un prodigieux développement de l’instrumentation scientifique, et en particulier de l’imagerie cérébrale. S’il est devenu courant de « passer un scanner », on oublie quelquefois que le principe de ces instruments n’est connu que depuis les années 1940-1970 et que les premières images de cerveau vivant ne datent que de la fin du 20e siècle. C’est la conjonction des recherches en biologie, physique, chimie, mathématique, appuyée sur la puissance exponentielle de l’informatique, qui a permis à ces instruments de devenir d’usage courant. En conséquence, non seulement les images du cerveau sont devenues populaires, mais les scientifiques ont osé corréler l’activation de certaines zones cérébrales à des états de conscience, ce qui paraissait encore utopique il y a 20 ans.

Un siècle de biologie cellulaire et moléculaire a débouché, en 2001, sur le séquençage du génome humain. Au cours de ces années, les chercheurs ont décrypté les mécanismes intimes de la cellule, où des myriades de molécules contribuent à son fonctionnement harmonieux et, de là, au fonctionnement de l’organisme. Lorsque certaines de ces molécules sont déréglées, c’est quelquefois l’organisme entier qui est malade. Ces molécules sont donc devenues des marqueurs de santé ou de pathologie. Parallèlement, la maîtrise de ces mécanismes débouche, au 21e siècle, sur des thérapies ciblées et sur les techniques récentes de thérapie génique, de cellules-souches et de thérapie cellulaire.

La puissance informatique : le 21e siècle se retrouve confronté à la manipulation des mégadonnées ou « big data », cette masse de données stockée sur des supports magnétiques et/ou qui circule sur internet. Parmi elles, les données biologiques (dont les séquences d’ADN ne sont désormais qu’une faible part) : après le génome qui porte nos gènes, nous trouvons le transcriptome et le protéome (qui rapporte l’expression des gènes en protéines), le métabolome (qui mesure les produits que ces protéines fabriquent), les interactomes divers (interactions entre toutes les molécules du vivant) et maintenant l’épigénome (modification non héréditaires du génome). Tout cela reflète le fonctionnement subtil des organismes, du niveau cellulaire au corps entier. Le système nerveux, avec ses milliers de milliards de cellules et ses millions de milliards d’interconnections, est bien sûr un des objectifs majeurs.

Et les plans « Human Brain Project » (en Europe) ou « Brain Initiative » (aux Etats-Unis) ambitionnent ni plus ni moins de simuler, dans 10 ans, le fonctionnement du cerveau, du neurone jusqu’à l’organe entier !

 

Les progrès de la recherche ont largement bénéficié à la médecine, avec la compréhension des mécanismes des principales maladies neurodégénératives, neuro-vasculaires ou psychiatriques. Parallèlement, on voit se dessiner de nouvelles méthodes d’étude : imagerie par IRM de diffusion*, optogénétique*, nanoscopie*. De plus, la convergence de toutes ces recherches pluridisciplinaires a fait émerger, ces toutes dernières années, des thérapies spectaculaires : stimulation cérébrale profonde, greffe de rétine, greffes de neurones ou de cellules gliales, prothèses sensibles et « pilotées par la pensée ».

Parmi les domaines privilégiés pour les années à venir figure le décryptage des règles d’organisation fonctionnelle du système nerveux : comment les 100 milliards de neurones (et les 1000 milliards de cellules gliales) s’organisent au cours du développement et évoluent chez l’adulte (plasticité), et comment ces réseaux sont-ils mobilisés pour traiter les signaux et déclencher des comportements adaptés ? Enfin, qu’est-ce qui conduit à leur dysfonctionnement ? Et, au bout du compte, comment ces mécanismes conduisent-ils à notre perception du monde et à nos interactions avec lui et avec nos semblables, et à notre personnalité ?

Ces recherches devront non seulement être multidisciplinaires mais elles devront également plus impliquer les médecins et les industriels afin d’avoir le caractère translationnel nécessaire aux applications. Et, même si les nouveaux champs de la recherche sont séduisants, il n’en demeure pas moins que les études plus « traditionnelles » devront être maintenues, voire renforcées, comme l’épidémiologie.

Ces recherches s’appuieront sur des plateformes technologiques : instrumentation et informatique, mais aussi cultures cellulaires et modèles expérimentaux, mise en place d’essais thérapeutiques et cognitifs (notamment apprentissage, éducation).

On attend de ces travaux qu’ils débouchent sur des diagnostics et des thérapies nouveaux (nouveaux marqueurs précoces, cellules-souches, ciblage des médicaments, modèles expérimentaux et informatiques…). On attend aussi qu’ils permettent de prévenir les pathologies en évitant les facteurs de risques et/ou en déclenchant précocement des parades. Enfin, et ce n’est pas le moindre, ces nouvelles connaissances auront des impacts sociétaux dans de nombreux domaines : si l’on entend déjà parler de neuro-marketing ou de neuro-économie, certains domaines comme l’éducation, la communication, les soins appropriés à tous les âges, le développement personnel et en définitive les relations sociales devraient en bénéficier ; en outre, les aspects éthiques de ces recherches ne devront pas être laissés dans l’ombre.

 

 

Merci à Roland Salesse pour la rédaction de cet article.

Références

* L’IRM de diffusion permet d’observer la connectivité entre les différentes parties du cerveau, qui évolue au cours du développement et qui peut être perturbée dans certaines maladies.

* L’optogénétique permet de stimuler très spécifiquement par la lumière quelques neurones choisis et ainsi d’étudier leur fonction.

* La microscopie optique est la seule méthode qui permet de visualiser le vivant à l’échelle microscopique. Cependant, on ne pouvait pas, jusqu’à récemment, voir des objets de taille inférieure à 200 nm (200 millionièmes de millimètre). On peut maintenant descendre à quelques nanomètres, c’est-à-dire visualiser des molécules à l’intérieur d’une cellule vivante.

imagerie médicale

Installation d’un sujet dans une IRM 3 teslas.

Inserm

Les cellules souches neurales embryonnaires ont la capacité d’être cultivées sous forme de neurosphères qui sont des groupements cellulaires en suspension dans le milieu.Image capturée en utilisant un microscope à épifluorescence.
Inserm Unité 1051 – Équipe « Plasticité, cellules souches et gliomes » à Montpellier.

Inserm / Guichet, Pierre-Olivier

Biomarqueurs prédictifs: Préparation de coupes histologiques au microtome.

Inserm / Delapierre, patrick

Dresser la carte des connexions du cerveau: Cartographie des neurones du cortex de la souris marqués avec une substance fluorescente pour discerner la connectivité des régions du cerveau.

Inserm / Guênet, François

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