Une diminution des acides gras polyinsaturés responsables des défauts de fonctions exécutives ?
Porteur du projet : Pierre TRIFILIEFF – Laboratoire NutriNeuro (Bordeaux)
Titre du projet : Implication du statut lipidique dans les troubles de fonctions exécutives : rôle des transmissions monoaminergiques préfrontales
Montant du projet financé sur l’appel à projets FRC 2024 : 80 000 €
« Le financement de la Fondation pour la Recherche sur le Cerveau permet de consolider la collaboration des deux équipes qui vont ainsi joindre leurs expertises pour mieux comprendre les bases neurobiologiques des troubles du contrôle exécutif. Merci à la FRC et ses donateurs pour leur soutien à la recherche fondamentale. » – Pierre Trifilieff
En résumé – les fonctions éxécutives altérées par des pathologies psychiatriques
De nombreux troubles psychiatriques, comme la schizophrénie, les troubles bipolaires ou la dépression, partagent un symptôme clé : une altération du contrôle exécutif, soit la capacité à adapter ses actions pour atteindre un but. Le projet s’intéresse au rôle des acides gras polyinsaturés (par exemple les oméga 3 et oméga 6), dont les taux sont fréquemment plus bas chez les patients atteints de ces pathologies. L’hypothèse des chercheurs est qu’une carence en acides gras polyinsaturés pourrait conduire aux troubles du contrôle exécutif, en perturbant le bon fonctionnement de certaines neurones. Ce projet pourrait permettre d’envisager de nouvelles stratégies diagnostiques et thérapeutiques, notamment par l’alimentation, de plusieurs pathologies psychiatriques.
Descriptif du projet de Pierre Trifilieff
Les pathologies psychiatriques telles que les troubles affectifs et les troubles psychotiques sont souvent considérées comme cliniquement différentes. Cependant, elles partagent des symptômes communs, en lien avec des bases neurobiologiques similaires. En particulier une perturbation du contrôle exécutif, c’est-à-dire la capacité de faire des choix adaptés pour atteindre un but, est une dimension symptomatique commune à de nombreux troubles psychiatriques. Cette altération comportementale est largement attribuée à un dysfonctionnement du cortex préfrontal.
Dans ce contexte, ce projet porte sur les acides gras polyinsaturés, une espèce lipidique qui est un composant majeur des membranes [1] des cellules cérébrales. En effet, leur métabolisme semble perturbé dans plusieurs pathologies psychiatriques : il a été démontré qu’une proportion élevée de patients atteints de schizophrénie, désordres bipolaires ou de dépression majeure présente des taux plus faibles d’acides gras polyinsaturés plus faible que la population générale. et plusieurs travaux dont ceux de l’équipe suggèrent que les neurones qui sécrètent les monoamines (dopamine et noradrénaline notamment) sont particulièrement sensibles aux modifications des taux d’acides gras polyinsaturés, en particulier pendant le développement cérébral.
L’hypothèse des chercheurs est ainsi qu’une diminution du taux d’acides gras polyinsaturés, en perturbant le bon fonctionnement des neurones libérant de la dopamine[2] et de la noradrénaline[3] au sein du cortex, pourrait conduire à des déficits de contrôle exécutif. L’objectif de cette étude préclinique est d’évaluer les liens de causalité entre troubles du contrôle exécutif et intégrité des transmissions monoaminergiques[4] du cortex, dans le contexte d’une déficience en acides gras polyinsaturés.
Ce projet pourrait permettre le développement de stratégies thérapeutiques complémentaires aux traitements classiques afin de cibler certains symptômes de pathologies psychiatriques, notamment par l’alimentation.
Le glossaire :
(1) Membrane : les cellules sont délimitées par des membranes, composées elles-mêmes de protéines et de lipides (dont les acides gras polyinsaturés)
(2) Dopamine: La dopamine est un neurotransmetteur, c’est-à-dire une molécule messagère du cerveau, qui joue un rôle clé dans la motivation, le plaisir, le mouvement et le contrôle des comportements entre autres.
(3) Noradrénaline :La noradrénaline est un neurotransmetteur et une hormone. Elle agit au niveau du système nerveux central et périphérique. Elle est impliquée entre autres dans la réponse au stress, la vigilance, l’attention, et la régulation de l’humeur.
(4) Transmissions monoaminergiques : désignent les communications entre neurones qui utilisent des monoamines comme messagers chimiques. Les principales monoamines sont la dopamine, la noradrénaline et la sérotonine.
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Ce projet associera les expertises complémentaires de l’équipe de Pierre Trifilieff, parmi les leaders dans la compréhension du lien entre métabolisme lipidique et transmissions monoaminergiques, et l’équipe d’Etienne Coutureau (INCIA, Bordeaux) spécialiste des circuits neuronaux impliqués dans les fonctions exécutives.
Pierre Trifilieff est actuellement directeur de recherche INRAE et co-anime l’équipe FoodCircus au sein du Neurocampus à l’université de Bordeaux. Les travaux de son équipe visent à comprendre les mécanismes par lesquels des facteurs génétiques et environnementaux conduisent à des déficits cognitifs pertinents pour l’étiologie de pathologies psychiatriques et neurologiques. Après une thèse de doctorat obtenue en 2006 à l’université de Bordeaux, il rejoint le laboratoire du Pr. Eric Kandel à la Columbia University à New York en tant que postdoctorant pour mener des recherches concernant les processus de consolidation mnésique. En 2013, il obtient un poste de chargé de recherche INRAE pour rejoindre le laboratoire NutriNeuro et développer des recherches concernant l’implication du métabolisme lipidique dans les troubles du système de la récompense.
Les fonctions éxécutives
Les fonctions exécutives sont les capacités qui nous permettent de planifier, prendre des décisions, nous concentrer, contrôler nos impulsions et adapter notre comportement à une situation.
Elles jouent un rôle clé dans notre vie quotidienne. Ces fonctions dépendent en grande partie du cortex préfrontal, une zone située à l’avant du cerveau.
Ces fonctions exécutives peuvent être touchées dans plusieurs maladies du cerveau, par exemple : l’AVC, la maladie de Huntington, la maladie d’Alzheimer, les troubles de l’apprentissage, l’épilepsie, la dépression, la schizophrénie…
Les acides gras polyinsaturés
Les acides gras polyinsaturés (par exemple les omega-3 ou omega-6) sont des lipides essentiels que le corps ne peut pas fabriquer seul : ils doivent venir de l’alimentation (poissons gras, huiles végétales, noix…).
Dans le cerveau, ils jouent un rôle crucial : ils sont des composants majeurs des membranes des neurones et permettent le maintien de leur intégrité structurale. Dans le cerveau, où ils sont particulièrement abondants, ils s’accumulent principalement pendant le développement périnatal.
Le centre de recherche
Ce projet est issu d’une équipe du Laboratoire Nutrineuro de Bordeaux.
