Des effets néfastes du sucre sur la mémoire via un dérèglement du microbiote

S’il est bien connu qu’une surconsommation de sucre à des effets néfastes sur la santé en augmentant par exemple le risque d’obésité ou de maladies cardiovasculaires, ses effets sur le cerveau sont quant à eux moins bien décryptés. De plus en plus de données suggèrent cependant que le sucre consommé en trop grande quantité peut affecter le développement et le fonctionnement de notre cerveau. Une nouvelle étude montre ainsi qu’une consommation élevée de sucre durant l’adolescence, une période où le cerveau se développe rapidement, altère les capacités d’apprentissage et de mémoire à l’âge adulte, et ce par l’intermédiaire de bactéries présentes dans notre intestin.

 

  • Description de l’étude

Il est aujourd’hui avéré que la consommation excessive de sucre ou d’autres facteurs alimentaires nuisibles au cours des premières périodes de développement de la vie entraîne des modifications du microbiote intestinal et perturbe les processus cognitifs. Des chercheurs de l’Université de Californie à Los Angeles se sont intéressés à comprendre si ces deux altérations pourraient être fonctionnellement liées, autrement dit si la consommation excessive de sucres ajoutés au début de la vie aurait un impact négatif sur la mémoire par le biais du microbiote intestinal. Pour cela, de jeunes rats ont eu un accès libre à une boisson sucrée comparable à celles couramment consommées par l’homme. Des tâches de mémorisation dépendantes ou non de l’hippocampe, une structure bien connue pour son rôle dans la mémoire spatiale et épisodique et particulièrement vulnérable aux effets délétères des facteurs alimentaires occidentaux, ont ensuite été effectuées à l’âge adulte. Ces tests ont été complétés par des mesures du comportement anxieux ainsi que des analyses des bactéries intestinales retrouvées dans les fèces des rats ayant consommés ou non la boisson sucrée.

  • La consommation de sucre à l’adolescence altère la mémoire dépendante de l’hippocampe

Deux tests de mémoire différents ont été réalisés à l’âge adulte chez chacun des deux groupes :

  • Le test de reconnaissance d’un nouvel objet dans un contexte spécifique qui permet de mesurer la capacité de l’animal à identifier lequel des deux objets familiers il n’a jamais vu auparavant dans ce contexte précis. Ce test permet de mesurer la mémoire contextuelle épisodique qui est dépendante de l’hippocampe.
  • Le test de reconnaissance d’un nouvel objet, indépendamment du contexte, qui est quant à lui dépendant d’une autre structure, le cortex périrhinal, et qui permet de quantifier la mémoire de reconnaissance de base.

Schéma des tests de mémorisation effectués (Noble et al., Translational Psychiatry)

 

Leurs résultats, publiés dans la revue Translational Psychiatry*, montrent que les animaux nourris avec une solution sucrée au début de leur vie avaient une capacité réduite à distinguer un nouvel objet dans un contexte spécifique à l’âge adulte, ce qui indique une fonction de mémoire contextuelle épisodique dépendante de l’hippocampe altérée. En revanche, ces animaux ont obtenu des résultats similaires à ceux du groupe témoin lors de la tâche de reconnaissance d’objets nouveaux, ce qui indique que la mémoire de reconnaissance de base, non dépendante de l’hippocampe, n’est pas altérée par la consommation excessive de sucre. Enfin le sucre n’a pas non plus affecté le comportement de type anxieux.

  • L’augmentation des Parabacteroides au début de la vie altère la mémoire

En étudiant ensuite le microbiote intestinal des deux groupes d’animaux, les chercheurs ont observé des différences significatives et notamment une abondance élevée d’une famille de bactéries, les Parabacteroides, chez les rats ayant consommé la boisson sucrée au début de leur vie. Ils ont alors recherché si ces bactéries pouvaient être à l’origine du déficit de mémoire observé. En augmentant expérimentalement cette espèce bactérienne dans l’intestin de rats juvéniles n’ayant pas consommé de sucre à l’adolescence, les neuroscientifiques ont pu constater que la mémoire dépendante de l’hippocampe était également affectée à l’âge adulte. Il se trouve que le traitement par les Parabacteroides a également affecté la mémoire de reconnaissance de base dépendante du cortex périrhinal, mais n’a pas affecté non plus le comportement anxieux. Ces résultats mettent en évidence qu’une famille de bactéries à elle seule suffit à entraîner des déficits cognitifs de la même manière que le sucre.

 

Cette étude identifie ainsi un rôle du microbiote intestinal dans les effets néfastes du sucre consommé au début de la vie, à une période où le cerveau (et notamment l’hippocampe) est encore en plein développement. Il apparait donc indispensable de veiller à une consommation raisonnable de sucre pour les enfants et adolescents. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)** recommande ainsi de limiter la consommation de sucre libre à moins de 10% de l’apport énergétique total quotidien chez l’adulte et l’enfant, voire de la réduire à 5% (soit 25 grammes, l’équivalent de 6 cuillères à café environ).

 

Sources :

*Gut microbial taxa elevated by dietary sugar disrupt memory function. Noble et al., Translational Psychiatry, 31 mars 2021

**Apport en sucres chez l’adulte et l’enfant – Résumé d’orientation par l’Organisation Mondiale de la Santé

 

Rédaction : Céline Petitgas, chargée des actions scientifiques de la FRC.

Le microbiote

Plantes, animaux, humains, nous sommes tous des organismes hôtes hébergeant une communauté de bactéries, de virus, d’archées et autres champignons microscopiques. Cet ensemble de micro-organismes forment le microbiote. Laissé de côté pendant longtemps, on sait aujourd’hui que le microbiote peut directement influencer le fonctionnement de notre cerveau.

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