Comprendre les mécanismes de rechute : addiction et troubles alimentaires, quel lien ?
Porteur du projet : Katia BEFORT – Laboratoire de Neurosciences cognitives et Adaptatives (Strasbourg)
Titre du projet : Etude des mécanismes communs de la rechute dans la toxicomanie et les troubles alimentaires de type hyperphagique : rôle du noyau tegmental rostromédian et du système endocannabinoïde.
Montant du projet financé sur l’appel à projets FRC 2024 : 80 000 €
« Je remercie la FRC et ses donateurs de nous permettre d’aborder le problème des comportements addictifs sous un angle original, avec des approches innovantes et donc particulièrement onéreuses. Ce soutien à la recherche fondamentale, grâce aux donateurs, est essentiel pour avancer dans la compréhension du dysfonctionnement du cerveau. Nous espérons identifier des mécanismes clés, et potentiellement communs, à l’addiction aux drogues et à certains troubles du comportement alimentaire, qui pourraient être ciblés en vue d’applications médicales pour la prévention de la rechute» – Katia Befort
En résumé
Existe-t-il des mécanismes communs à l’addiction à la cocaïne et à la consommation excessive de nourriture savoureuse (gras/sucre)? L’addiction aux drogues et les troubles alimentaires caractérisés par une prise excessive de nourriture palatable (gras/sucre), comme l’hyperphagie boulimique et l’obésité, sont des pathologies complexes encore mal traitées à l’heure actuelle. Ce projet vise à élucider les mécanismes impliqués dans les phénomènes de rechute observés dans la toxicomanie et la consommation excessive d’aliments palatables. Il permettra ainsi d’identifier de nouvelles cibles pharmacologiques potentielles pour traiter efficacement les dépendances alimentaires et les toxicomanies.
Descriptif du projet
L’addiction aux drogues et les troubles alimentaires caractérisés par une prise excessive de nourriture palatable (gras/sucre), comme l’hyperphagie boulimique et l’obésité, sont des pathologies complexes encore mal traitées à l’heure actuelle. Elles sont caractérisées par des altérations cérébrales du circuit de la récompense, entraînant des accoutumances qui pourraient expliquer le passage d’une consommation contrôlée à une consommation excessive. Parmi différentes régions cérébrales, le noyau rostral du tegmentum (RMTg) est décrit comme une structure cérébrale modulatrice du circuit de la récompense et semble jouer un rôle important dans la rechute à la cocaïne. Cependant, au-delà de l’addiction, son rôle potentiel dans la prise excessive de nourriture palatable a été très peu étudié.
Le système endocannabinoïde[1] est un système neuromodulateur[2] impliqué dans le traitement de la récompense. Notamment, il influence l’activité du noyau rostral du tegmentum dans le contexte de l’addiction aux drogues. De plus, plusieurs études dont celle de l’équipe ont montré que sa plasticité (i.e le fait que ce système s’adapte aux habitudes de consommation comme la nourriture palatable) pouvait contribuer aux troubles alimentaires.
Ce projet vise à élucider le rôle du noyau rostral du tegmentum dans les phénomènes de rechute observés dans la toxicomanie et la consommation excessive d’aliments palatables. Les chercheurs se focaliseront d’abord sur les projections neuronales du noyau rostral du tegmentum vers le système de la récompense et l’implication du système endocannabinoïde. Pour cela, ils utiliseront des approches multidisciplinaires innovantes (spectrométrie de masse, pharmacogénétique, imagerie calcique) dans des modèles comportementaux bien établis chez le rongeur.
Ce projet élucidera les mécanismes communs des symptômes de rechute. Il permettra ainsi d’identifier de nouvelles cibles pharmacologiques potentielles pour traiter efficacement les dépendances alimentaires et les toxicomanies.
Le glossaire :
(1) Système endocannabinoïde : ensemble de récepteurs cannabinoïdes – c’est-à-dire des récepteurs du THC (la substance active du cannabis) – et de molécules produites par notre propre système nerveux : les endocannabinoïdes. Ce système module d’importantes fonctions comme par exemple l’anxiété, la consommation alimentaire et l’équilibre énergétique.
(2) neuromodulateur : permet de réguler diverses populations de neurones ;
L’équipe de Katia Befort, spécialiste en neurobiologie des troubles du comportement addictifs s’associera à l’équipe de Yannick Goumon et Virginie Andry (INCI, CNRS, Strasbourg), experts en biochimie et pharmacologie et spécialistes de la spectrophotométrie de masse et Victor Mathis (CRBS, INSERM, Strasbourg), expert en addiction et spécialiste dans les enregistrements de photométrie à fibres.

Directrice de recherche au CNRS, à l’Université de Strasbourg, Katia Befort a complété sa formation à l’Université Louis Pasteur (Strasbourg, MSc & PhD) et a effectué un postdoctorat à la Harvard Medical School (Boston, USA). Actuellement elle dirige une équipe au sein du Laboratoire de Neurosciences Cognitives et Adaptatives (LNCA) et s’intéresse aux adaptations comportementales et moléculaires, notamment épigénétiques, qui interviennent dans les comportements addictifs. Son équipe étudie les mécanismes communs et/ou spécifiques des psychostimulants (cocaïne), des drogues analgésiques (opioïdes et cannabinoïdes) ou des récompenses naturelles (sucre, gras). Dans le cadre de sa recherche sur les troubles du comportement alimentaire, l’équipe utilise actuellement des modèles murins de pathologie comme l’hyperphagie boulimique, afin d’approfondir les connaissances sur les processus adaptatifs et les mécanismes sous-jacents à l’origine d’une consommation incontrôlée de nourriture riche en calories.

Le système de récompense
Le système de récompense est un circuit du cerveau responsable des sensations de plaisir ressenties après certaines actions. Présent dans le cerveau de l’homme comme dans celui de nombreux animaux, c’est grâce à lui que nous répétons volontiers les comportements indispensables à notre survie et à celle de notre espèce : manger, boire, avoir des rapports sexuels, procréer…
Le centre de recherche
Ce projet est issu d’une équipe du Laboratoire de Neurosciences cognitives et Adaptatives.