La plasticité cérébrale

Plasticité cérébrale, neuroplasticité, plasticité neuronale … différents mots pour décrire une compétence extraordinaire que possède notre cerveau. Il est « plastique » ! Notre cerveau est capable de se modifier afin de créer, défaire et réorganiser ses réseaux neuronaux. Longtemps, il a été supposé qu’une fois l’âge adulte atteint, nous perdions chaque jour des neurones et que notre « stock de neurones » ne pouvait que décroître au fur et à mesure des années. Faux ! Aujourd’hui, grâce à la recherche, nous savons que de nouveaux neurones peuvent être produits tout au long de la vie (neurogenèse) et surtout que le cerveau est capable de se réorganiser, par exemple pour compenser un trauma ou une lésion, qu’importe l’âge. Il s’adapte tout au long de notre vie.

 

Plasticité neuronale et neurogenèse

Les deux notions sont assez proches, cependant il existe une nuance. Si la neurogenèse fait référence à la naissance et à la prolifération de nouveaux neurones dans le cerveau, la neuroplasticité permet aux neurones de se régénérer, d’un point de vue fonctionnel, mais aussi de former de nouvelles connexions. La plasticité neuronale est donc la faculté du cerveau à récupérer et à se restructurer. Cette capacité adaptative permet au cerveau de récupérer après des traumas, troubles ou lésions mais aussi de réduire l’impact de maladies neurodégénératives (Alzheimer, dyslexie, TDA, maladie de Parkinson, sclérose en plaques, …).

 

Comment cela fonctionne ?

Lorsqu’on apprend une nouvelle notion, le cerveau va établir de nombreuses connexions neuronales. Prenons l’image de la forêt. Lors d’un nouvel apprentissage, un chemin se crée dans la forêt de neurones. Plus on pratique et sollicite cette route inter-neurones, plus le chemin neuronal est renforcé et la communication entre les neurones est facilitée (comme les routes de montagnes créées par le passage quotidien du berger et de son troupeau). La transmission entre les neurones gagne alors en efficacité et rapidité.

 

Evolution au cours de la vie

On sait que les performances du cerveau évoluent avec l’âge. Dès in utero le cerveau fait preuve de plasticité, avec la mise en place du réseau neuronal, mais aussi lors de la période adolescente, avec les changements hormonaux, le remodelage structurel neuronal associé et la spécialisation des différents lobes du cerveau.

Longtemps, les scientifiques ont cru qu’à partir de 25 ans, le cerveau commençait à perdre ses neurones. On sait aujourd’hui que cette affirmation est erronée. En réalité, comme toutes les autres compétences, la capacité « plastique » du cerveau est modifiée par le vieillissement normal du cerveau. Pour compenser l’effet de l’âge, l’apprentissage peut être en effet plus long et fatiguant mais la plasticité cérébrale, bien qu’un peu réduite, est intacte et présente jusqu’à la fin de la vie.

 

Entretien « musculaire » /Stimuler

In fine, le cerveau sain est comme un muscle qui se nourrit du changement, mais s’atrophie si l’on ne s’en sert pas. L’entraînement va ainsi stimuler les neurones à se remodeler, à s’interconnecter pour établir de nouvelles connexions ou renforcer celles existantes. La neuroplasticité suit donc le principe du « use it or lose it », c’est-à-dire que les réseaux neuronaux qui ne sont pas mobilisés régulièrement vont se dégrader. Rassurez-vous, si vous n’aimez pas faire des sudokus, ou d’autres exercices cognitifs spécialisés, les chercheurs confirment que l’activité physique est semble-t-il tout aussi efficace. Le chercheur Pierre-Marie Lledo, de l’institut Pasteur, préconise une combinaison de plusieurs facteurs pour « entretenir » cette plasticité : activité physique, peu de stress, ne pas consommer de psychotropes, une activité cognitive régulière et des relations sociales (Voir notre article sur cette recherche).

Une capacité « plastique » pour compenser

Cette capacité adaptative permet au cerveau de récupérer après des traumas, troubles ou lésions. Par exemple, lors de la perte d’une fonction sensorielle, d’un membre ou après un AVC, le cerveau se réorganise afin de compenser cette perte (Kenneth F.Valyear et al. (2019)1). Au niveau de la zone affectée par la lésion, les neurones se détériorent et ne peuvent plus assumer leurs fonctions mais la réorganisation neuronale permet aux fonctions neuronales perdues d’être alors partiellement prises en charge par les neurones situés à proximité. Ces réarrangements sont surtout locaux, dans les régions adjacentes à la zone lésée, mais peuvent aussi se faire à une échelle plus large (Adrian Guggisberg, Genève2).

Lorsqu’on reprend l’image de la forêt neuronale, suite au trauma, le chemin utilisé est devenu impraticable. Cependant il est possible d’atteindre le même objectif (réaliser une tâche, un mouvement, …) en empruntant un nouveau chemin détourné. Tout comme la première fois, c’est en utilisant régulièrement cette nouvelle route neuronale que cette dernière va gagner en efficacité et rapidité.

Lors de traumas de type post-traumatique, une « recalibration neuronale » peut aussi avoir lieu. Un système d’alarme activé en permanence peut alors se mettre en place. Une hypervigilance coûteuse en énergie et associée à d’autres troubles (sommeil, douleurs, anxiété…). Cependant, comme le signalent les experts, d’autres expériences, comme la musicothérapie (voir notre article à ce sujet), peuvent également aider à solliciter cette plasticité pour surmonter les traces neuronales laissées par le trauma.

En conclusion, le cerveau plastique se modifie face à des stimuli spécifiques, ces modifications peuvent être bénéfiques (apprentissage) mais aussi délétères sur le long terme.

 

Le neurofeedback

C’est sur ce principe de plasticité que repose le neurofeedback. L’idée est de solliciter régulièrement le cerveau lors d’une tâche précise, généralement d’imagerie mentale, associée à un retour visuel (feedback), afin d’auto-réguler son activité cérébrale en créant et en renforçant de nouvelles connexions neuronales. Le neurofeedback a ainsi déjà été utilisé lors d’une étude pilote (voir notre article à ce sujet), réalisée chez quatre patients présentant une paralysie partielle d’un membre supérieur, suite à un AVC et chez lesquels des améliorations motrices ont été par la suite observées.

Le chercheur Jeremie Mattout (voir le projet), financé lors de l’AP FRC 2018, a lui aussi utilisé le neurofeedback auprès d’enfants souffrant de TDA/H. Les résultats préliminaires obtenus montrent un résultat thérapeutique bénéfique, avec une diminution des symptômes d’inattention ressentis par les enfants.

 

 

Rédaction : Charlotte PIAU, chargée des actions scientifiques de la FRC.

 

Sources :

1Interhemispheric transfer of post-amputation cortical plasticity within the human somatosensory cortex, Kenneth F Valyear (2020).

2Comment le cerveau se réorganise après une attaque cérébrale, Planète santé (2016).

La plasticité neuronale et la cognition,  Cognifit Research.

Les performances du cerveau évoluent avec l’âge, mais ne déclinent pas, Le Temps (2017)

 

 

Photographie :  © Inserm

 

« J’ai toujours été curieux et admiratif à son sujet car c’est le cerveau qui fait de nous des Hommes.

Certes, il a des troubles inattendus mais, qui détient le pouvoir sur notre personne : lui ou nous ?

La découverte de la plasticité du cerveau est l’une des meilleures nouvelles que la science nous ait apportées. Il faut aller beaucoup plus loin et s’engager pour explorer les immenses capacités du cerveau.

Il est le symbole de la dignité humaine, la marque incontestable de la puissance de l’Homme.

Il est le siège de la pensée et du génie humain ; il faut le protéger, le soigner, le ménager.

Un organe aussi précieux pour l’avenir de notre humanité doit être choyé.

Le champ de la recherche est immense ; il faut s’y engager avec la FRC. »

Daniel Tricot – ancien administrateur de la FRC

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