Des mini-anticorps issus de lamas pour traiter les maladies du cerveau ? Une avancée prometteuse dans la schizophrénie.

Des chercheurs français, dont Jean-Philippe Pin président du conseil scientifique de la Fondation pour la Recherche sur le Cerveau, ont mis au point des anticorps miniaturisés appelés « nanocorps » à partir d’anticorps de lamas. Les chercheurs ont démontré que cette innovation avait un effet thérapeutique prometteur dans la schizophrénie et constitue une preuve de concept pour le traitement des maladies du cerveau. Cette étude a été publiée dans la prestigieuse revue Nature.

 

Les maladies du cerveau, qu’il s’agisse de troubles psychiatriques comme la schizophrénie ou de maladies neurodégénératives, restent encore aujourd’hui très difficiles à traiter. Peu d’options thérapeutiques sont réellement efficaces, et les chercheurs se retrouvent régulièrement face un obstacle: la barrière hémato-encéphalique, une structure biologique qui protège le cerveau, mais empêche aussi de nombreux médicaments d’y pénétrer, limitant ainsi l’efficacité des traitements actuels.

 

Une nouvelle approche thérapeutique innovante : les nanocorps

Dans ce contexte, des chercheurs de Montpellier, dont le Dr Jean-Philippe Pin, ont mis en lumière une approche innovante : l’utilisation de nanocorps, une forme miniaturisée d’anticorps. Issus d’anticorps naturellement présents chez les camélidés (comme le lama, le dromadaire ou le chameau), ces nanocorps sont environ dix fois plus petits que les anticorps humains classiques. Cela leur permet de franchir plus facilement la barrière du cerveau, tout en conservant leur spécificité, c’est-à-dire leur capacité à cibler précisément certaines protéines pathologiques. Ils sont par ailleurs biodégradables et associés à peu d’effets secondaires.

 

Des effets bénéfiques dans deux modèles murins de schizophrénie

Dans cette étude, l’équipe a démontré que ces nanocorps, injectés à distance du cerveau, peuvent atteindre leur cible : des récepteurs du glutamate, un neurotransmetteur clé du fonctionnement cérébral, dont le dysfonctionnement est impliqué dans la schizophrénie entre autres. Ainsi, chez deux modèles animaux de la maladie, les troubles cognitifs sont nettement améliorés, avec un effet qui persiste plusieurs jours après une seule injection.

 

Preuve de concept réussie, vers de nouveaux traitements ?

Des essais cliniques seront nécessaires pour confirmer l’efficacité de cette stratégie chez les patients atteints de schizophrénie, mais cette découverte marque un tournant important pour la neuropharmacologie.

Cette étude constitue une preuve de concept : elle montre pour la première fois qu’un nanocorps, peut agir efficacement dans le cerveau. Si ces résultats restent précliniques, ils ouvrent la voie au développement de traitements plus efficaces et mieux tolérés pour d’autres maladies psychiatriques ou neurologiques.

 

Sources :

– Article « Les anticorps de lama : nouvelle piste thérapeutique contre la schizophrénie », Inserm salle de presse, juillet 2025

– Article « Des anticorps de lama pour traiter des maladies mentales », Institut de Génomique Fonctionnelle, 2025

– Oosterlaken, M., Rogliardo, A., Lipina, T. et al. Nanobody therapy rescues behavioural deficits of NMDA receptor hypofunction. Nature 645, 262–270 (2025).

Jean-Philippe Pin

Directeur de Recherche CNRS à L’Institut de Génomique Fonctionnelle de Montpellier, Ancien directeur de ce même institut, directeur du laboratoire coopératif Eidos (un laboratoire commun CNRS-entreprise (CisBio)), et parmi les 3000 chercheurs les plus cités au monde, Jean-Philippe Pin est aussi le président du Conseil scientifique de la Fondation depuis 2023.

Qu'est-ce qu'un anticorps ?

Les anticorps sont des protéines produites naturellement par notre système immunitaire. Leur rôle principal est de reconnaître et neutraliser des éléments étrangers à l’organisme, comme les virus, les bactéries ou certaines cellules anormales. Chaque anticorps est très spécifique : il se fixe uniquement à une cible précise, appelée antigène.

Et les anticorps thérapeutiques ?

Les chercheurs ont appris à reproduire et adapter ces anticorps en laboratoire pour les transformer en anticorps thérapeutiques. Ils utilisent les mêmes principes que les anticorps naturels, mais sont conçus pour cibler spécifiquement les cellules ou les molécules impliquées dans une maladie.

Ils sont aujourd’hui largement utilisés en oncologie, dans le cadre de l’immunothérapie, pour aider le système immunitaire à mieux reconnaître et attaquer les cellules cancéreuses.  Ce type de stratégie est désormais exploré dans d’autres domaines, notamment dans les maladies du cerveau, où de nouveaux types d’anticorps, comme les nanocorps, offrent des perspectives innovantes.

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