Comment notre système immunitaire peut entraîner une neuroinflammation à l’origine de pathologies cérébrales

Le système immunitaire joue un rôle clé dans les défenses de l’organisme vis-à-vis de divers types d’agression. Ces agressions peuvent être d’origine externe, comme des infections bactériennes ou virales, ou interne, comme des altérations hormonales et métaboliques, notamment celles survenant lors de situations de stress de diverse nature. Les mécanismes de régulation du système immunitaire sont multiples, complexes, et l’équilibre est fragile entre les effets bénéfiques versus délétères de leur mise en jeu. Son dysfonctionnement peut notamment être à l’origine de pathologies neurologiques et psychiatriques.

 

  • Implication du système immunitaire dans des pathologies neuro-psychiatriques

L’implication du système immunitaire dans des pathologies du système nerveux central est bien connue dans le cas de maladies auto-immunes comme la sclérose en plaques ou la narcolepsie. Dans ces pathologies, les anticorps produits par les lymphocytes immunocompétents1 conduisent respectivement à une démyélinisation2 (et une altération morpho-fonctionnelle majeure des circuits neuronaux) ou à la mort d’une population neuronale spécifique.

En réalité, il est aujourd’hui bien établi que l’implication du système immunitaire ne se limite pas à ces maladies mais concerne l’ensemble des pathologies neuro-psychiatriques (Alzheimer, Parkinson, lésions consécutives à un AVC, épilepsie, schizophrénie, bipolarité, dépression, autisme, etc). Le dosage de molécules produites par les cellules du système immunitaire, tout particulièrement les cytokines3 (interleukines, chémokines, lymphokines…), a révélé, il y a déjà une trentaine d’années, la présence de taux sanguins anormalement élevés de ces composés chez une proportion significative de patients souffrant de ces pathologies.

Comme l’ont montré les études en neuroimagerie, ces marqueurs de la réaction immunitaire périphérique peuvent en effet refléter l’existence de processus neuroinflammatoires centraux associés à l’activation d’une population particulière de cellules gliales : la microglie4. En réponse à des situations stressantes de diverse nature, l’activation chronique de l’axe du stress (hypothalamo-hypophysio-corticotrope) peut conduire, via l’augmentation de glucocorticoïdes5 et de cytokines circulants, à l’activation des cellules microgliales. Celles-ci peuvent être à l’origine d’une production cérébrale de cytokines pro-inflammatoires (Interleukines IL 1bêta, IL6, TNF-alpha…) qui exercent des effets délétères sur le tissu nerveux central et inhibent la production de nouvelles synapses et de nouveaux neurones. Elles peuvent également causer la mort de neurones via leur excitation excessive par le glutamate6 du fait d’une régression astrocytaire.

 

  • Des évènements délétères durant des périodes de vie particulières peuvent sensibiliser le système immunitaire

De nombreux travaux concordants ont montré que la survenue précoce d’infections microbiennes ou virales, ou d’événements de vie délétères (maltraitance, agressions sexuelles, désordres métaboliques) au cours de la période périnatale et/ou la prime enfance (voire l’adolescence) entraîne une sensibilisation du système immunitaire inné vis-à-vis de ces mêmes facteurs susceptibles alors de déclencher une suractivation microgliale et causer des désordres neuro-psychiatriques. C’est d’ailleurs l’hypothèse que l’on formule aujourd’hui pour expliquer la survenue de troubles neuro-psychiatriques chez des patients atteints de la Covid-19. L’orage cytokinique, marqueur d’un état inflammatoire généralisé intense qui caractérise les cas sévères, pourrait en effet être la cause de troubles anxio-dépressifs majeurs voire d’atteintes neurologiques observés chez des patients sensibilisés. En accord avec cette hypothèse, l’administration d’un glucocorticoïde de synthèse comme la dexaméthasone7, qui diminue la réaction inflammatoire, s’est révélée améliorer l’état de patients sévèrement atteints de la Covid-19.

 

D’une manière générale, les recherches visent à des stratégies innovantes pour réduire la neuroinflammation et l’activation microgliale en vue de potentialiser l’efficacité des thérapeutiques actuelles des maladies neuro-psychiatriques, voire de mettre au point de nouveaux traitements plus efficaces et mieux tolérés ciblés sur ces réactions immunitaires.

 

Définitions :

 

1 Lymphocytes immunocompétents : les lymphocytes sont des globules blancs jouant un rôle majeur dans la défense immunitaire ; ils deviennent immunocompétents lorsqu’ils sont capables de reconnaître des éléments étrangers.

2 Démyélinisation : destruction de la gaine de myéline, une membrane entourant et isolant les fibres nerveuses, et qui est nécessaire à la transmission de l’influx nerveux dans la plupart des circuits neuronaux.

3 Cytokines : molécules du système immunitaire produites en réponse à un signal (par exemple la présence d’un corps étranger) et jouant un rôle de messager pour réguler l’activité d’autres cellules immunitaires, voire d’autres types cellulaires. Il en existe de nombreux sous-types.

4 Microglie : population de cellules gliales responsables de la défense immunitaire du système nerveux central.

5 Glucocorticoïdes : corticoïdes ayant une action sur le métabolisme des protéines, des lipides et des glucides (par exemple le cortisol) et jouant un rôle majeur dans la réponse au stress. Les corticoïdes sont des hormones synthétisées par les glandes surrénales, qui ont également de puissantes propriétés anti-inflammatoires.

6 Glutamate : neurotransmetteur excitateur le plus important du cerveau, c’est-à-dire qu’il augmente la communication entre les neurones lorsqu’il est libéré.

7 Dexaméthasone : médicament synthétique appartenant à la famille des corticoïdes et utilisé principalement pour ses propriétés anti-inflammatoires et anti-allergiques.

 

Rédaction : Pr. Michel Hamon, Neuropharmacologue et membre de l’Académie Nationale de Médecine, ancien Vice-Président du Conseil d’Administration de la FRC.

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Neuroinflammation et Covid-19

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